Rina, l'Internet du futur ou de la poudre aux yeux ?
?Qui n’a jamais rêvé d’une connexion Internet plus fiable et plus rapide que celle dont il dispose actuellement ? Une page qui n’en finit pas de charger, des données personnelles traitées on ne sait comment, un compte qui peut être piraté… Le réseau actuel se noie sous un déluge de problèmes sans qu’une solution émerge entre ceux qui y trouvent leur compte et ceux qui refusent de jouer le jeu.
Les promesses de Rina
Pourtant les médias mettent en avant depuis quelques mois deux hommes qui proposent un nouveau navire là où Internet part à la dérive. Les deux marins aguerris d’Internet se nomment John Day et Louis Pouzin. Le premier est l’un des informaticiens américains qui a participé à la création d’Arpanet, l’ancêtre d’Internet. Le second est l’informaticien français expert en réseaux d’ordinateurs, récompensé de nombreux prix. Leur nouveau navire s’appelle Rina ou Recursive Internet Network Architecture. Voici son pavillon tel que le décrit Louis Pouzin lors d’une interview donnée à France Info en mars 2019: « Je pense qu’il faudrait tout simplement un nouvel Internet, qui permette d’offrir des services sécurisés, un Internet basé sur les besoins des gens, à l’abri des monopoles internationaux, des fake news, etc.»
Des paroles en l’air ?
Il est tentant de vouloir embarquer sur Rina qui, à la lumière des médias, gonfle ses voiles de promesses utopiques. Si la sphère médiatique s’y intéresse de très près, le milieu des informaticiens et des ingénieurs est quant à lui beaucoup plus circonspect. Stéphane Bortzmeyer, informaticien spécialiste des réseaux informatiques à l’Afnic (Association française pour le nommage Internet en coopération) et auteur du livre Cyberstructure, L’Internet un espace politique, ne se laisse pas griser par le chant des sirènes. « Rina c’est un concept, c’est de la théorie sans application. C’est beaucoup de discours, de publicité médiatique, de promesses sans concrétisation ». Selon lui, le projet expliqué par John Day dans son livre publié en 2007 (Patterns in Network Architecture : A Return to Fundamentals), est incompréhensible d’un point de vue technique. Tout bien considéré, Rina serait peut-être aussi fantomatique que le Hollandais Volant.
Stéphane Bortzmeyer pointe du doigt un autre problème qui troue la carlingue de Rina en plein centre : « son concepteur John Day est contre la neutralité du réseau. Si le réseau est neutre comme il l’est actuellement, cela signifie que tout le monde peut y naviguer quoiqu’il y fasse : du commerce, des activités illégales comme du tourisme ! Si le réseau cesse d’être neutre, l’opérateur pourra certes y contrôler les actions de ses utilisateurs et empêcher la propagation des fake news, mais il pourrait aussi se servir de ce pouvoir pour y diffuser ses propres idées… » Du contrôle à la propagande il n’y a qu’un pas. Supprimer cette neutralité c’est menacer la liberté d’expression.
Qu’en est-il alors de l’avenir d’Internet si Rina se révèle en fin de compte n’être qu’une séduisante sirène aux chansons incompréhensibles ?
Selon Stéphane Bortzmeyer « Internet n’est pas éternel et il sera remplacé comme toutes les autres technologies. Le plus difficile est de savoir quand ». L’horizon se dérobe et l’on ne sait si le Nouveau Monde sera atteint dans cinq ans ou cinq cents ans. Enfin, pour remplacer un système mondial comme Internet il faut changer toute l’armada et les règles de navigation à l’échelle de la planète. « Il va sans dire que c’est un travail titanesque qui ne s’accomplira pas sans un bouleversement social radical » pense le spécialiste de l’Afnic.
Mais pourquoi, me direz-vous, faire autant de bruit pour rien ? Comment expliquer cet engouement médiatique pour le projet ? « C’est qu’il ne s’agit ni plus ni moins d’argent pour subventionner la recherche scientifique dans le domaine de l’informatique » nous avertit l’auteur de Cyberstructure. Les projets de recherche arborant les pavillons très à la mode des fake news ou d’un nouvel Internet sont de véritables mines d’or pour les scientifiques à la recherche d’une aubaine financière. Rina serait une marmite dorée et bourrée de belles promesses qui ne prendrait peut-être pas la mer de sitôt… Mais après tout, qui peut dire de quoi demain sera fait ?
Pour finir en vidéo!
Sources:
https://en.wikipedia.org/wiki/Recursive_Internetwork_Architecture
http://www.courrier.am/fr/content/société/rinarmenia-ou-linternet-de-demain
https://la-rem.eu/2019/09/rina-un-projet-pour-linternet-de-nouvelle-generation/
https://www.pressreader.com/france/l-express-france/20191023/281655371851628
Ecrit par Charlotte Brossard le 12/11/2019
Publié le 23/11/2019
Date de dernière mise à jour : 23/11/2020
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