D'un revers de la main
Si je pouvais mettre fin à mes jours d’un revers de la main
Comme ce serait drôle ! Comme ce serait simple !
D’un simple revers de la main
Du tranchant des mots, j’ouvrirais ma gorge en deux
Et ma tête alors pencherait selon un axe étrange
Et tout le sang coulerait à flots
Rouge comme une mer de vin.
Je pourrais aussi m’ouvrir le ventre
D’un revers de la main
D’un doigt dans l’abdomen et — déchirer tout du long
Sortir ensuite
Unes à unes
Mes entrailles
Les dérouler
Moites et tièdes
Entre mes jambes
Joli collier pour mes cuisses
À en mourir de rire.
Tiens, d’ailleurs, ça serait une idée ça aussi !
Mourir de rire
Rire jusqu’à n’en plus pouvoir
Rire violent, sauvage, incontrôlable qui me secoue nerveusement
Spasmes dans mon ventre
Ma poitrine qui halète — plus de souffle soudain
Je m’étouffe
De rouge je passe au bleu dans le mauvais sens de circulation
Les zygomatiques crispées en une crampe de feu
Ah la belle mort !
Je m’effondrerais tout du long, morte par asphyxie
Comique de situation.
Je pourrais tout aussi bien me brûler la tête de deux doigts posés sur ma
Tempe
Jamais aimé les chefs
Et BOUM !
Feu d’artifice
Les petits bouts de cervelle gris et rouges éparpillés partout
Mon intelligence offerte au monde
J’ai toujours voulu vous la faire partager de toute façon
Jouissif
Explosif
Subversif.
Soyons inventifs !
Je pourrais décéder broyée dans l’étreinte d’un centaure
Piétinée par une meute de hyènes en chaleur qui nettoieraient mes os, blanche carcasse dans la savane
Brulée sous le soleil du Sahara, dans la caresse des dunes, ardentes et mortelles amantes
Mon corps desséché comme un fruit sec sur une montagne de couscous.
Ah ! Faire une orgie de mots
Doux comme un massacre puisqu’il s’agit
D’éviscérer, d’égorger, d’énucléer, d’empaler, de décapiter, de trépaner,
D’écorcher, d’entailler, de cisailler, d’arracher, de déchirer, de broyer,
D’écraser, de comprimer, d’étouffer et—
Ô l’aposiopèse prend la pause
Logorrhée des mots pour une asphyxie du cœur
Autopsie d’un cadavre pour se gorger de verbes
Palpitants et chauds encore
Les mains plongées dans mes propres entrailles
Remuantes
J’en tire et tire
Des vers
Frémissants
Et du sang comme de l’encre.
Envie de sang chaud et de mots frais
Envie d’une vie comme un raz-de-marée rouge
L’égorgeuse des mots c’est moi
Car j’avais décidé d’un revers de la main d’écrire et de mourir.
Date de dernière mise à jour : 25/01/2021
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